La Toundra
Bibliographie:

La Toundra est un milieu non forestier. Son extension est assez modérée: côtes de l'Arctique au Canada et Alaska, côte nord de Sibérie, plateaux centraux islandais, îles de l'Arctique et littoral groenlandais. Elle est située au Nord du cercle polaire, sauf au Nord du Labrador, en Extrême-Orient (Kamtchatka) et sur les sommets de l'Oural où elle s'étend plus au Sud.

Dans l'hémisphère sud, les Iles australes, (Crozet, Amsterdam, Kerguelen, Nouvelles Orcades et la Terre de Feu) appartiennent à ce milieu. Ce rapide inventaire montre le caractère souvent maritime de ce milieu contrairement à celui de la forêt boréale, plus largement continental.

Le problème de l'élimination de l'arbre.
 

-Des étés frais.
La toundra se développe essentiellement là où l'été n'est pas assez chaud pour permettre un développement satisfaisant des végétaux.
 
  Toundra
Janv Fev Mar Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Dec  Moy/tot
Arctique continental                          
Coppermine -29 -30 -25 -17 -6 3.5 9 8.4 2.6 -7 -20 -26 -11.4
68°N 13 8 15 14 12 20 34 44 29 27 17 13 246
Eureka -38 -39 -35 -26 -9 3 5.5 3 -4 -23 -29 -36 -19.5
82°N 2 2 2 3 4 4 11 16 11 5 3 2 65
Cap Tcheliouskine -27 -27 -28 -21 -10 -1 1.5 0.8 -2 -10 -20 -25 -14
78°N 12 14 18 21 24 25 27 28 24 21 16 14 244
Arctique Océanique                          
Ijsford Radio -10 -10 -12 -8 -3 2 5 4.5 1.5 -2.5 -5 -8 -3.8
78°N 22 31 31 16 21 26 32 36 36 44 23 36 354
Hyperocéanique                          
Akureyri -1.5 -1.5 0 2 6 9 11 10 8 3.5 1.3 -0.5 3.9
66°N 45 42 42 32 15 22 35 39 46 57 45 54 474
Port aux Français 7 8 7 6 4 2 2 2 2 3.5 4.5 6 4.6
49°S 73 50 66 90 129 117 113 100 107 86 93 93 1118

Le mois le plus chaud a une valeur proche de 5°C (à l'exception d'Akureyri un peu plus favorisée) et la période de températures positives varie de 3 à 4 mois. Les milieux hyperocéaniques ont des conditions plus favorables en température mais le rôle du vent et de la neige en toute saison y est très défavorable à l'arbre. La couverture nivale est loin d'être négligeable, les précipitations ne s'interrompant pas totalement pendant l'hiver.

Plus encore que les températures , c'est la présence du pergélisol avec une couche active très mince qui empêche le développement du système racinaire des végétaux. Un mollisol dont la température ne dépasse pas 0°C même au coeur de l'été et saturé en eau entrave le développement de la plupart des espèces d'arbres.

-Des ligneux variés.
L'absence d'arbres ne signifie pas absence de ligneux: au contraire, la toundra est essentiellement formée de ligneux bas; les herbacées, graminées, légumineuses, sans être absentes, sont minoritaires, contrairement à la steppe ou prairie continentale. La germination est en effet difficile dans un sol gelé ou saturé d'eau.

On trouve essentiellement:

Le taux de recouvrement est inférieur à 100 % en général. Des plaques importantes de sol nu, soit rocheuses (les barren grounds du Canada), soit couvertes de sables, de blocailles, interrompent le tapis végétal.

Le rythme biologique de la toundra s'apparente à celui des déserts avec un cycle pluriannuel, de longues périodes de repos et une croissance brutale des plantes lors des rares journées chaudes de l'été (on a mesuré plus de 2cm par jour chaud!) une croissance qui n'affecte pas l'ensemble de la plante mais quelques rameaux chaque année à tour de rôle.

La biomasse reste donc faible, en moyenne 30t/ha au mieux, et la production 2t /ha /an.

-Le pergélisol.
La toundra est le domaine du pergélisol continu. La couche active y est toujours mince, inférieure à 1,5 m, le plus souvent même à 30 cm. Ces conditions ne permettent pas un enracinement profond des végétaux et provoque une saturation du sol pendant la période estivale. Les formes du pergélisol sont omniprésentes. Le drainage organisé est impossible ce qui permet à certains auteurs de parler d'aréisme. En été, l'eau stagne en surface, soit dans le mollisol, soit même à l'affleurement, formant des "lacs" plutôt des mares pelliculaires saisonnières. Le vent lorsqu'il souffle de manière constante étire ces lacs qui prennent alors des formes plus ou moins ovoïdes, spectaculaire si , comme c'est souvent le cas, ils sont groupés en amas denses. Seuls les grands fleuves allogènes (Lena, Ob, Ienissei, Mackenzie, Athabasca) ... ont un cours organisé.


Lacs de toundra dans une vallée alluviale ( Islande) (cl. B.E.)

L'activité biologique dans le sol est nulle, la pédogenèse est exclusivement mécanique liée au rythme saisonnier du gel et du dégel de la couche active conduisant à la cryoturbation et à la gélifraction. Le caractère squelettique des sols est aussi du à l'héritage des surfaces raclées par les glaces quaternaires.

Le sol typique est le gley dit de toundra. La cryoturbation rend impossible le développement d'horizons pédologiques; la température entrave la dégradation de la matière organique et de l'humus. La fourniture de débris végétaux est limitée par la valeur faible de la biomasse.

Le rôle des animaux est essentiel dans la fourniture de matière organique: déjections, cadavres etc... Les terriers notamment constituent la source principale de M.O. (lemmings, lièvres, renards...) et se signalent par des végétaux bien développés.

La vie animale est marquée par une longue période d'hibernation pendant l'hiver avec enfouissement des terriers sous les congères de neige de manière à obtenir une meilleure protection du froid. D'autres espèces, (oiseaux, rennes...) préfèrent la migration vers des lieux plus cléments , forêt boréale ou contrées plus lointaines.
 
 

Les formes du pergélisol dans la toundra.

Les mosaïques.

Dans ces milieux aux limites de l'œkoumène, les conditions stationnelles sont essentielles pour expliquer le développement de la végétation.

Elle est extrêmement sensible aux nuances du milieu, drainage, granulométrie du sol, exposition etc... irrégularité de la couverture de neige en hiver qui se traduit par des variations thermiques du sol.

Plusieurs facteurs conduisent au développement de mosaïques: ces dernières prennent des faciès variés, mais dont le caractère répétitif est à souligner. Parmi les variantes les plus fréquentes, on peut citer:
 

Exemples de pattern grounds, d'après J.B.Bird, 1972.

 
 

Les champs d'ostioles. 
Ils se forment par cryoturbation des limons ou argiles, remontées en surface par gonflement différentiel lors du gel. 
 
 
 
 
 

Les lacs de toundra
Ce sont des lacs peu profonds (1m) qui se forment en été par suite de l'incapacité du sol à s'assécher en surface (imperméabilisé par le pergélisol et pas d'évaporation). Étirés par le vent dominant, ils constituent des milieux semi-amphibie qui créent un gradient végétal en fonction de l'humidité. Infestés de moustiques, ils forment un milieu  aux sols tourbeux, les muskegs du Canada.
Ils sont souvent associés à des palses ou à des pingos reconnaissables à leurs bourrelets périphériques.
 

Les réseaux de fentes de gel et de coins de glace. (ice wedges)
Ces réseaux forment des mosaïques de polygones d'où leur nom de polygones de toundra soulignés par la végétation, hexagonaux le plus souvent. De grande taille, 100 m ou davantage, ils présentent soit un bombement central soit au contraire une dépression centrale. 
 
 
 
 
 

-Les sols structurés (pattern grounds).
Souvent emboîtés, ils résultent des dispositifs de sols polygonaux et polygones de pierres. Ils sont surtout développés là où la végétation est discontinue. Cette dernière se développe préférentiellement sur les cloisons caillouteuses des cellules, plus vite réchauffées à la belle saison.
-Les dunes de neige hivernales.
Sur ces étendues battues par les vents, se développent des dunes de neige en hiver dans les creux topographiques ou en fonction de l'humidité, qui conduisent le plus souvent à une irrégularité de la pénétration de l'onde de gel dans le sol. Les végétaux se développant sous les congères, mieux protégés, connaissent une croissance plus rapide et dominent ceux qui sont dans les secteurs où la couverture nivale est plus mince. Cette irrégularité de la hauteur de la végétation favorise elle même la fixation des dunes de neige chaque hiver au même endroit. De là naissent des paysages en bandes régulières ou en taches de forme variables.
 
Les relations neige-végétation dans la toundra
-La limite forêt toundra.
La position de la limite forêt toundra est à analyser aux diverses échelles.
À l'échelle continentale, les facteurs climatiques sont prépondérants et la limite la plus précise correspond à l'isotherme 10° pour le mois le plus chaud. À l'échelle locale, les facteurs stationnels sont prépondérants et une mosaïque de milieux se développe en fonction de la situation topographique, de la nature du sol, de l'exposition, au vent etc...
 
La limite forêt-toundra, d'après Payette, 1983, modifié

Les auteurs distinguent un domaine de transition large de quelques dizaines de kilomètres voire de centaines de km, qu'ils nomment la toundra boisée puis la toundra arbustive. La forêt ne s'y développe de manière continue que dans des positions d'abri au vent ou en adret, dans les vallées alluviales notamment, formant des vallées-galeries qui s'étendent vers le nord au milieu de la toundra qui occupe les plateaux. Ailleurs les arbres sont isolés formant une sorte de pré-bois.

Au nord, la tree line marque la limite des arbres au-delà de laquelle les espèces arborescentes ne parviennent pas à l'état adulte, formant des fourrés ou développant une morphologie naine (betula nana) par exemple.

Zonation à la limite forêt toundra
 
 

La limite Forêt toundra (Territoires du Nord Ouest) .
 
 

Paysage semi lacustre, où les bosquets d'épicea (picea mariana) sont séparés par des étendues de landes et de marécages. Les lacs nombreux sont de diverses origines, mais on remarquera les nombreux muskegs et les palses organiques entourés par leurs bourrelets périphériques, suite à l'effondrement des lentilles de glace. ( Source: gsc.nrcan.ca)